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La discussion sur la mention de "sain d'esprit ou non"

2016/09/15

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    Depuis quelques mois, notre industrie remet en question l’utilisation, dans les exclusions liées au suicide, de l’expression sain d’esprit ou non, considérée par bien des intéressés comme désuète sur le plan social et médical. Il importe de rester sensible aux courants sociaux liés à la santé mentale tout en veillant à ce que le libellé du contrat reflète l’étendue dela couverture.

    Afin de proposer un examen approfondi de cet important sujet, nous avons demandé à Me Sava, avocate spécialisée dans la défense de sociétés d’assurance vie et santé, de nous aider à déterminer l’origine de l’expression sain d’esprit ou non et de se prononcer sur les conséquences légales que pourrait avoir le retrait de cette notion de l’exclusion liée au suicide.

    1. La notion de sain d’esprit ou nondans l’exclusion liée au suicide vient d’une longue tradition de jurisprudence en common law

    Me Sava souligne que sur le plan juridique, l’expression « est devenue un terme technique dans l’industrie, évoluant au fil de 150 ans de droit jurisprudentiel anglais et américain ». Elle ajoute que l’utilisation de sain d’esprit ou non fait suite à des cas comme Blackstone. Dans cette affaire du Michigan (Blackstone V Standard Life & Accident Ins Col, 74 Mich 592; 42 NW 156 (1889)), « un assuré a causé son propre décès en se tranchant la gorge avec un rasoir. Le contrat d’assurance excluait le décès par suicide, mais ne mentionnait pas le fait d’être 'sain d’esprit ou non'. Le plaignant a demandé le produit d’assurance au motif que l’assuré n’était pas sain d’esprit au moment d’agir. Le plaignant eut gain de cause ».

    Conséquence directe de ces cas, poursuit Me Sava, les assureurs ont ajouté aux exclusions liées au suicide la mention sain d’esprit ou non, dans le but exprès d’éviter le difficile débat sur l’état d’esprit de l’assuré.

    « Les tribunaux ont depuis jugé, presque systématiquement, qu’avec l’utilisation de l‘expression sain d’esprit ou non, l’exclusion liée au suicide s’applique au contrat d’assurance vie si l’assuré met fin à ses jours par ses propres moyens ».

    Depuis, cette mention a acquis un sens ou une interprétation juridique bien établi. Dans le contexte de l’assurance vie, l’expression sain d’esprit ou non est claire, valide et sans équivoque.

    2. Si l’on retire la mention sain d’espritou non de l’exclusion liée au suicide, les effets varieront selon le produit d’assurance

    Il est important que le libellé de l’exclusion soit examiné en fonction des besoins particuliers de chaque produit d’assurance, car analyser globalement tous les types d’assurance pourrait fausser l’interprétation ou l’orientation des protections.
     

    • ILD/assurance invaliditéindividuelle – retirer l’exclusionrelative à l’automutilation : L’exclusion relative àl’automutilation prévue par lescontrats d’assurance invaliditépeut être considérée commeobsolète compte tenu de l’évolutionde la société par rapport auxtroubles mentaux. Pour cesproduits, le retrait de cetteexclusion est acceptable, car lesréclamations reliées aux troubles mentaux sont habituellement pris en compte dans la tarification.

    • Vie collective de base – aucuneincidence : Le retrait de l’exclusion n’a aucune incidence sur lescontrats collectifs souscrits sanspreuve, qui ne prévoient habituellement pas d’exclusion liée au suicide.

    • Vie collective facultative – peud’incidence : Cette garantie comprend habituellement la mention sain d’esprit ou non dans l’exclusion liée au suicide.Toutefois, en supprimant la mention le risque est moindre puisque le volume de ce produit est inférieur à celui des contrats souscrits sans preuve.

    • Assurances vie et décès accidentel individuelles – voilà le point névralgique : La mention sain d’esprit ou non reste la meilleure protection pour ces contrats si l’on veut éviter un litige qui risque d’être coûteux et difficile pour toutes les parties.

    3. L’industrie doit viser un justeéquilibre entre l’évolution des courants sociaux face à la santé mentale et les répercussions juridiques du retrait de l’expression sain d’esprit ou non

    Pour Me Sava, il importe de ne pas perdre de vue que la mention a pour but de limiter le risque pour l’industrie tout en réduisant au minimum l’obligation onéreuse, pour l’assureur, de prouver l’état d’esprit du défunt.

    La mention sain d’esprit ou non dans l’exclusion liée au suicide favorise l’équité en matière de prix pour les titulaires de contrat et fournit une protection suffisante contre toute personne qui pourrait être tentée de souscrire un contrat d’assurance vie dans le dessein de mettre fin à ses jours.

    Le statu quo s’impose pour cette mention dans le cas des protections d'assurances vie et décès accidentel individuelles pendant que notre industrie détermine une solution de remplacement tout aussi efficace. Nous recommandons que tout nouveau libellé s’inspire du principe actuel, la mention sain d’esprit ou non n’étant modifié que pour tenir compte de la terminologie de notre temps.

     

    Solutions de remplacement à considérer pour la mention sain d’esprit ou non 

    L’expression sain d’esprit ou non fait partie des contrats d’assurance depuis plus d’un siècle. Voici quelques suggestions de libellé plus à jour; toutefois, nous ne pouvons confirmer si elles sauront prévenir les litiges aussi bien que la mention actuelle.

    Peu importe l’état d’esprit et la présence ou non d’un trouble mental au moment du décès.

    Peu importe l’état d’esprit ou la présence d’un trouble de santé au moment du décès.

    Pour contacter les auteurs
    charlestremblay
    Charles Tremblay, B.A., LL.B.
    Vice-président adjoint, réclamations et litiges
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    Julie St-Laurent, LL.B., LL.M.
    Directrice principale, réclamations litigieuses
    Contributrice
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    Helen Sava, B.A., LL.B.
    Sava Associates