
Une tendance notable a émergé dans le domaine de la santé à l’échelle mondiale : le cancer est en hausse chez les personnes de moins de 50 ans1. Les diagnostics récents de cancer de célébrités et de personnalités publiques ont attiré l’attention sur ce problème, suscitant des préoccupations quant à la prévalence croissante des cancers, généralement associés aux populations plus âgées, dans les groupes d’âge plus jeunes.
Malgré l’amélioration des taux de survie au cancer, les assureurs doivent tenir compte des récentes projections indiquant une augmentation de 31 % de la prévalence des cancers précoces à l’échelle mondiale d’ici 20302.
Certains types de cancers précoces, comme le cancer du sein, sont particulièrement préoccupants, car ils se manifestent souvent à un stade avancé. Ce phénomène est attribuable à la présence de sous-types agressifs, y compris le cancer du sein positif au récepteur 2 du facteur de croissance épidermique humain (HER2) et le cancer du sein triple négatif, qui sont corrélés avec des pronostics moins favorables3.
Quels cancers précoces sont de plus en plus fréquents?
Quels facteurs contribuent à cette tendance à la hausse?
Certains pourraient penser que la hausse des cancers précoces est attribuable à des mutations génétiques héréditaires; cependant, la réalité est plus complexe. Les variations génétiques, comme les variantes germinales, jouent un rôle dans le développement du cancer, mais elles ne sont pas les seules à y contribuer. Par exemple, les mutations de gènes comme BRCA1 et BRCA2, souvent liées au cancer du sein, apparaissent dans seulement 5 à 10 % des cas de cancer du sein, ce qui porte à croire que d’autres facteurs entrent en jeu7.
La recherche de causes sous-jacentes est un travail continu et, malgré les progrès, il reste beaucoup de choses à découvrir. Selon certaines études, il existe une interaction complexe de facteurs, y compris les choix de vie, l’obésité et le syndrome métabolique, qui contribuent tous à une augmentation de l’inflammation et des déséquilibres hormonaux, comme des perturbations de la régulation de l’insuline, des fluctuations des taux de leptine et des changements dans la production de cortisol8. De plus, les produits chimiques environnementaux, les microplastiques9, les antibiotiques10, la pollution de l’air et l’exposition excessive à la lumière artificielle11 sont parmi les autres éléments cancérigènes potentiels faisant l’objet d’études.
Chez les jeunes adultes, le diagnostic tardif de cancers est souvent lié à des facteurs comme un mode de vie occupé, ce qui peut entraîner des bilans de santé peu fréquents et une tendance à négliger ou à minimiser les signes inquiétants. Les cancers sont alors détectés à des stades ultérieurs, ce qui limite les options de traitement, nuit au pronostic et réduit les chances de survie.
Il convient de noter que certaines de ces idées sont encore sujettes à spéculation et pourraient s’avérer erronées. Néanmoins, ce champ de recherche continue d’évoluer, laissant la porte ouverte à des avancées susceptibles de faire émerger de nouvelles théories et d’éclairer davantage les multiples facteurs en jeu.
Un dépistage plus étendu, découlant notamment de la mise à jour des lignes directrices, de l’amélioration des technologies d’imagerie et de la surveillance accrue des populations à risque élevé, serait un autre facteur contribuant à l’augmentation de la prévalence des cancers précoces, avec des hausses notables observées pour les cancers du sein, de la prostate et de la thyroïde12. Bien que la détection précoce soit très bénéfique, il faut reconnaître qu’elle ne témoigne pas nécessairement d’une véritable hausse de la prévalence du cancer. En fait, c’est plutôt signe que les cancers sont maintenant dépistés plus tôt qu’auparavant.
Au Canada, le dépistage systématique du cancer colorectal est généralement recommandé à partir de 50 ans pour les personnes à risque moyen. Par conséquent, de nombreuses personnes de moins de 50 ans sont considérées comme non admissibles, à moins qu’elles présentent des facteurs de risque ou des symptômes précis. Les gens qui ne sont pas admissibles au dépistage dans le système public peuvent toujours y accéder à leurs frais au privé. Néanmoins, certains chercheurs font valoir que des dépistages plus précoces et plus fréquents pourraient être avantageux, ce qui suscite des discussions sur l’âge optimal pour le dépistage du cancer du sein13. Il en va de même pour le dépistage du cancer colorectal, et il est envisagé de faire passer l’âge initial de 50 à 45 ans ou moins14.
Quelles sont les répercussions possibles sur l’assurance vie et l’assurance maladies graves?
La prévalence croissante du cancer chez les jeunes Canadiens pourrait avoir une incidence sur le secteur de l’assurance vie et maladies graves. Plusieurs points et facteurs clés méritent notre attention, notamment :
- Sélection des risques en assurance vie : Les assureurs doivent s’adapter à l’évolution des pratiques de dépistage du cancer, comme la révision des seuils relatifs à l’âge pour le début du dépistage, et mettre à jour leurs lignes directrices en matière de sélection des risques pour maintenir la pertinence et l’efficacité. Cela pourrait impliquer de revoir les protocoles d’évaluation du risque et de mettre à jour les critères de sélection des risques pour tenir compte de l’évolution des recommandations en matière de dépistage du cancer.
- Assurance maladies graves : La prédominance du cancer dans la présentation de réclamations (actuellement environ 70 % des réclamations d’assurance maladies graves) soulève des questions importantes sur la viabilité à long terme des produits d’assurance maladies graves dans leur forme actuelle15.
- Contexte réglementaire et législation sur le droit à l’oubli : Présentée par la Commission européenne en 2021, cette législation historique permet aux survivants du cancer dans certains pays d’Europe de préserver la confidentialité de leur diagnostic antérieur lorsqu’ils souscrivent une assurance vie. Elle interdit également aux assureurs de tenir compte des renseignements médicaux liés à des cancers qui sont survenus plus de 5 à 10 ans auparavant dans le calcul des primes. À mesure que le droit à l’oubli gagne en popularité, il pourrait déclencher une vague de réformes réglementaires semblables sur les marchés nord-américains, ce qui aurait des répercussions importantes sur les compagnies d’assurance vie et maladies graves.
- Conception de produits et innovation : Les assureurs pourraient devoir revoir leurs produits et envisager d’y intégrer des caractéristiques novatrices, comme des avantages axés sur la prévention, des initiatives de détection précoce et des programmes de mieux-être. En encourageant la réduction des risques de cancer et en soutenant le bien-être du public, les assureurs peuvent générer plus de valeur pour les titulaires de police, avoir un impact social positif et se démarquer dans un marché concurrentiel.
Perspectives
Les recherches en cours sur les causes des cancers précoces mettent en lumière la nécessité d’une approche globale pour s’attaquer à cette tendance émergente. Les raisons exactes de la variation de la prévalence entre les différentes populations ne sont pas encore bien comprises, et il est essentiel que les chercheurs médicaux poursuivent leur travail pour aider à prévenir un problème de santé mondial potentiel.
Cependant, les chances de survie sont meilleures que jamais pour les Canadiens aux prises avec un cancer. Le taux de survie net après 5 ans pour tous les cancers réunis est passé d’environ 55 % au début des années 1990 à 64 %. Il s’agit d’une énorme amélioration comparativement au taux de survie de 25 % dans les années 194016. De plus, bien que le cancer du poumon demeure la principale cause de mortalité par cancer chez les hommes et les femmes au Canada, son taux de mortalité diminue à un rythme record, offrant un nouvel espoir aux personnes touchées17.
Les progrès rapides de la recherche sur le cancer révolutionnent notre compréhension et notre approche en matière de prévention, de diagnostic et de traitement du cancer. Les technologies émergentes, en particulier l’intelligence artificielle (IA), joueront un rôle clé. L’intelligence artificielle peut analyser une grande quantité de données biométriques, génétiques et d’imagerie pour améliorer la prédiction du risque de cancer et permettre une détection plus rapide. Les avancées diagnostiques fondées sur l’intelligence artificielle, comme les biopsies liquides, faciliteront l’analyse moléculaire et génétique des fluides corporels, ce qui permettra une détection plus précise et rapide du cancer. De plus, les traitements contre le cancer deviendront de plus en plus adaptés, grâce aux percées en analyse génétique des tumeurs, en développement de médicaments ciblés et en immunothérapie.
Ces percées promettent de réduire la mortalité liée au cancer bien au-delà des progrès accomplis ces dernières décennies. Compte tenu de la prévalence croissante des cancers précoces, il est essentiel que l’industrie de l’assurance demeure informée et s’adapte aux changements. Les tarificateurs doivent demeurer vigilants et évaluer attentivement tous les facteurs de risque pertinents au moment de la sélection des risques, y compris les antécédents familiaux importants de cancer, les signes potentiels de cancer précoce, les résultats des programmes de dépistage et les recommandations d’intervention proactive ou de dépistage plus fréquent.
En tant que chef de file dans l’industrie de l’assurance, Munich Re demeure déterminée à bien comprendre les dernières avancées et recherches en matière de cancers précoces. Nous suivons de façon proactive les tendances émergentes, les découvertes révolutionnaires et les traitements novateurs pour nous assurer que notre expertise tient compte des plus récentes données scientifiques.
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